Les archives d'Édouard Glissant
classées Trésor national
En décembre 2014, la Ministre de la Culture et de la Communication a déclaré Trésor national les archives d'Édouard Glissant. Une sélection de ce fonds sera présentée le lundi 21 septembre à la Chancellerie, en présence de Christiane Taubira, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, de Fleur Pellerin, Ministre de la Culture et de la Communication, de George Pau-Langevin, Ministre des Outre-mers, et Bruno Racine, Président de la BnF. Quelques-unes de ces archives seront présentées au public dans le cadre des Journées du Patrimoine 2015, les 19 et 20 septembre.
Avec cet événement, la Bibliothèque nationale de France souhaite montrer la place immense du grand poète disparu en 2011 et encourager les mécènes potentiels qui lui permettront de réaliser cette acquisition majeure.
À LIRE : PAROLES DU 21 SEPTEMBRE, par
CHRISTIANE TAUBIRA ET PATRICK CHAMOISEAU
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La soirée du 21 septembre (sur invitations) sera présentée par Greg Germain. Les lectures seront assurées par Stephy Glissant, Sophie Bourel, Alexandra Fournier, Isabelle Fruleux, Jean-Michel Martial.
À l'occasion de ces présentations officielles, sera dévoilé un portrait inédit d'Édouard Glissant réalisé par le grand plasticien français
Ernest Pignon-Ernest.
- M. Serge LETCHIMY, Président du Conseil régional
- M. Gilbert EUSTACHE - chef de délégation, Conseiller général, Maire du Diamant (Commune où repose Édouard Glissant).
- M. Gilbert PAGO - Responsable du projet de Centre des cultures caribéennes.
- Mme Dominique TAFFIN - Conservateur en chef des archives départementales.
- M. Patrick CHAMOISEAU - Directeur des programmes de la Mission Martinique 2020.
- Mme Johanna AUGUIAC - Conseillère en arts plastiques auprès du Président.
- Délégation COLLÈGE Édouard Glissant
Madame Marie-Julie BUCHER, Professeur
Mademoiselle Katy VELAYOUDON
Mademoiselle Léa JEAN-JOSEPH
Monsieur Matys CHARPENTIER
- Le groupe strombophone WATABWI : M. Serge Domi - M.Jean PIERRE-LEANDRE - M. Henri PIERRE-LEANDRE - M. Claude CLAIRICIA - M. Auguste BOLIVAR - M. Léo BOLIVAR
LA DÉLÉGATION DU CONSEIL RÉGIONAL DE LA MARTINIQUE
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Voir sur Édouard Glissant. fr, le dossier sur la classement des archives, avec les documents officiels, une présentation de Raphaël Lauro et une interview de Sylvie Glissant.
Voir l'annonce de l'événement sur le Portail des Journées du Patrimoine 2015 sur le site du Ministère de la Justice.
Journées du Patrimoine 2015, Ministère de la Justice, Hôtel
de Bourvallais : 13, Place Vendôme, Paris, 1er arrdt.
En 1993, aux côtés de Christian Salmon, Adonis, Breyten Breytenbach, Jacques Derrida, Salman Rushdie et Pierre Bourdieu, il s’associe activement à la création du Parlement International des Écrivains, institution internationale destinée à organiser une solidarité concrète avec les écrivains et intellectuels victimes de persécutions, à « créer de nouveaux espaces de liberté, d’échange et de solidarité pour défendre la liberté de création partout où elle est menacée ».
En 2006, Édouard Glissant crée l’Institut du Tout-Monde, avec le soutien du Conseil Régional d'IIe de France, du Ministère de l’Outre-Mer, et de la Maison de l’Amérique Latine. (WWW.TOUT-MONDE.COM): « une plate-forme où se rencontrent les imaginaires et les écritures du monde, un espace où se dit la créolisation, un observatoire des pas imprévisibles de la mondialité, et des incidences multiples et inattendues, des métamorphoses et des utopies des humanités contemporaines »(présentation site numérique). Une multitude de réalisations et de projets vont voir le jour. Tous témoignent, sous l’impulsion donnée par l’écrivain, de cette « Nouvelle Région du monde » en Relation qu’il souhaitait y voir incarnée, et qu’il définissait dans son ouvrage éponyme en 2009.
En 2006 encore, le Président de la République Jacques Chirac, lui confie la mission d'élaborer un Centre National dédié à la Traite et à l'esclavage, en prévision duquel il publie en 2007 Mémoires des esclavages (chez Gallimard), mettant en lumière l'importance d’une entreprise mémorielle collective autour de la Traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions.
(http://www.lesmemoiresdesesclavages.com/centre.html).
Avec son Manifeste « Tous les jours de Mai, … Pour l’abolition de tous les esclavages », (http://www.lesmemoiresdesesclavages.com/tljm.html) , paru aux éditions numériques de l’Institut du Tout-Monde en 2008, il réaffirme son engagement pour un rassemblement des mémoires, et une poétique de la Relation des humanités : « Les mémoires des esclavages ne cherchent pas à raviver les revendications ou les réclamations avant toute chose. Dans le monde total qui nous est aujourd'hui imposé, la poétique du partage, de la différence consentie, de la solidarité des devenirs naturels et culturels […] nous incline vers un rassemblement des mémoires, une convergence des générosités, une impétuosité de la connaissance, dont nous avons tous besoin, individus et communautés, d'où que nous soyons. Conjoindre les mémoires, les libérer les unes par les autres, c'est ouvrir les chemins de la Relation mondiale. »
En 2009, Glissant publie son dernier essai, Philosophie de la Relation, sous-titré est Poésie en étendue, et comme ultime ouvrage, La terre, le feu, l'eau et les vents - Une anthologie de la poésie du Tout-monde, en 2010.
« Le poème (….) est toujours à venir. C’est pourquoi nous vivons quelques visions prophétiques du passé, en même temps que nous consentons aux imprévus d’ici là et de maintenant. C’est à dire que cette route au long de laquelle les foules des poèmes du monde vantent leurs stèles, nous l’éprouvons bruissante, parfois nous la parcourons dans les cris et les démesures, mais qu’en même temps nous voyons qu’elle mène, à la fin, Rutebeuf ou Gilbert Gratiant ou Estella Morente ou George Brassens, au silence le plus uni, où chacun se trouve et s’estime »
L’ouverture aux concepts de créolisation :
la construction de la Relation - 1989-2011
À travers ses essais, ses romans, ou ses textes poétiques, qui se relaient en s’entrelaçant, il amène progressivement la notion Tout-Monde, qui titre le roman de 1995, et se voit suivi de l’essai Traité du Tout-Monde en 1997 : « J'appelle Tout-monde, notre univers tel qu'il change et perdure en échangeant et, en même temps, la “vision” que nous en avons […] ». le tout-monde n’est pas alors un nouveau concept ou un nouveau système de pensée, il est une nouvelle manière de penser et de regarder le monde, une parole ouverte. Parmi ses autres notions celle de Créolisation, qui désigne « l'imprévisible » du monde, les identités culturelles inédites résultants de la confluence des différences. « J’appelle créolisation la rencontre, l’interférence, le choc, les harmonies et les disharmonies entre les cultures, dans la totalité réalisée du monde-terre. (…) Ma proposition est qu’aujourd’hui le monde entier s’archipélise et se créolise ».
« Là où les systèmes et les idéologies ont défailli, et sans aucunement renoncer au refus et au combat que tu dois mener dans ton lieu particulier, prolongeons au loin l’imaginaire, par un infini éclatement et une répétition à l’infini des thèmes du métissage, du multilinguisme, de la créolisation » (Dans Traité du tout-monde, 1997).
La notion centrale de Relation qu’il développe en 1990 dans son essai Poétique de la Relation : « La pensée du rhizome serait au principe de ce que j’appelle une poétique de la Relation, selon laquelle toute identité s’étend dans un rapport à l’autre ». Édouard Glissant définit l’identité comme une Identité-relation : « une aptitude à “donner avec” », contestant « l’universel généralisant », et offrant de considérer les humanités sous l’angle de la Mondialité, soit la « face humaine de la mondialisation ». « Si vous vivez la mondialité, vous êtes au point de combattre vraiment la mondialisation » (Cohée du Lamentin , 2005)
« L’Idée de l’identité comme racine unique donne la mesure au nom de laquelle ces communautés furent asservies par d’autres, et au nom de laquelle nombre d’entre elles menèrent leurs luttes de libération. Mais à la racine unique, qui tue alentour, n’oserons-nous pas proposer par élargissement la Racine rhizome, qui ouvre Relation ? Elle n’est pas déracinée : mais elle n’usurpe pas alentour.
Sur l’imaginaire de l’identité-racine, boutons cet imaginaire de l’identité-rihizome.
À l’être qui se pose, montrons l’étant qui s’appose.
Récusons en même temps les retours du refoulé nationaliste et la stérile paix universelle des puissants.
Dans un monde où tant de communautés se voient mortellement refuser le droit à toute identité, c’est paradoxe que de proposer l’imaginaire d’une identité-relation, d’une identité-rhizome. Je crois pourtant que voilà bien une des passions de ces communautés opprimées, de supposer ce dépassement, de le porter à même leurs souffrances. »
De 1980 à 1988, Édouard Glissant dirige Le Courrier de l’Unesco, dont il développe les éditions en 36 langues diffusées dans plus de 150 pays. Il publie notamment un numéro intitulé « Guerre à la guerre : la parole aux poètes » (novembre 1982), avec la participation d’éminents écrivains du monde comme Adonis, Guinsberg, Labou Tan’si, Voznesensky, entre autres. À cette période et sous son impulsion Le Courrier de l’UNESCO s’affirme comme un « forum ouvert aux débats intellectuels à l’échelle internationale » (Hommage à Edouard Glissant, UNESCO)
En 1988, Édouard Glissant s’installe aux États-Unis et dirige une chaire de Littérature Française à LSU (Louisiana State University). Il tirera de son expérience du Sud esclavagiste des États-Unis, son étude consacrée à l’œuvre de Faulkner, Faulkner Mississipi (1996). Sa pensée qui rencontre un fort retentissement aux Etats-Unis, l’amène à enseigner à l’Université de New York où il est nommé en 1994 Distinguished University Professor. Sa pensée rayonne en Haïti, dans les Caraïbes, autant qu’en Afrique, en Amérique latine ou qu’au Québec.
La période militante et l’engagement politique 1940–1960
Dès sa jeunesse en Martinique, Édouard Glissant à l'instar d'Aimé Césaire, se passionne pour le courant surréaliste, et milite, avec ses amis du Franc Jeu (groupe littéraire et politique), pour les idées révolutionnaires de libération des colonies. Il quitte la Martinique pour la métropole en 1946 où il étudie la philosophie à la Sorbonne, avec Jean Wahl et Gaston Bachelard, et l'ethnographie au Musée de l'Homme, où il rencontre notamment Jean Rouch. Il publie alors ses premiers recueils (Un Champ d'îles en 1953) et son roman La Lézarde, qui reçoit le prix Renaudot en 1958. C'est l'époque de l'engagement politique et de la lutte pour la décolonisation au côté de grands écrivains tels que René Depestre, Frantz Fanon et Albert Memmi. À cette époque, il fréquente la galerie du Dragon avec ses amis peintres, Roberto Matta, José Gamarra, Antonio Segui, Wilfredo Lam, Valerio Adami entre autres, pour lesquels il écrira de nombreux textes.
Jeune écrivain martiniquais, il participe activement aux débats littéraires et culturels au sein de la Fédération des Étudiants Africains noirs et de la Société Africaine de Culture ou encore à la revue Présence Africaine, ainsi qu’aux deux grands événements de cette époque que furent le premier Congrès International des Écrivains et Artistes noirs en septembre 1956 à la Sorbonne, et le second à Rome en mars 1959. En 1961, il sera l'un des quatre fondateurs du Front antillo-guyanais.
Le retour au réel antillais : les années 1960-1989
En 1965, Édouard Glissant retourne en Martinique. En 1967, il crée l’Institut Martiniquais d’Études (IME), institution privée d’éducation qui vise à restituer aux jeunes antillais un enseignement en accord avec la réalité de leur Histoire et de leur géographie. Il fonde en 1971 la revue Acoma chez Maspero, revue critique de recherche sur les sociétés antillaises, qui annonce déjà l’un de ses essais-maître dans le domaine à cette période, Le Discours antillais (1981), première étude approfondie, anthropologique, sociologique, littéraire et historique, sur l’exploration de la réalité antillaise d’un point de vue endogène.
Son œuvre continuera à se développer conformément aux perspectives tracées dans l’Intention poétique (1969), tant sur le plan esthétique que philosophique et politique (« De l’Un à l’univers - Du divers au commun - Le nous de l’autre - L’autre du nous
ÉDOUARD GLISSANT :
LA PENSÉE EN ARCHIPEL
Romancier, poète et essayiste, Édouard Glissant (1928-2011) est l’un des grands écrivains du XXe et XXIe siècle. En prolongement d’Aimé Césaire et de Léopold Sédar Senghor, sa pensée de la mondialité connaît une notoriété grandissante dans le monde entier et notamment aux Etats-Unis et au Japon, où il est considéré comme une figure philosophique et littéraire emblématique.
Trois grandes périodes ont rythmé les étapes de la poétique, de la pensée et de l’œuvre d’Edouard Glissant.
Le fonds d'archives retrace majoritairement, de manière très diversifiée et complète, la vie d'Édouard Glissant dans les années 1950 à sa mort en 2011. Il contient la plupart de ses manuscrits, associée à de nombreux documents de travail, une riche correspondance et un grand nombre de textes inédits. On y trouve entre autres les différents états de ses deux essais les plus célèbres : Le Discours antillais (1981) et le Traité du Tout-Monde (1997).
L'ÉVÉNEMENT : Dans le cadre des Journées du Patrimoine 2015, les archives d'Édouard Glissant, classées "Trésor national" en décembre 2014, seront présentées au public au Ministère de la Justice à Paris, les 19 et 20 septembre. Et le 21 septembre, aura lieu (uniquement sur invitation) toujours à la Chancellerie, une présentation officielle. À cette occasion, une délégation officielle représentera la Martinique, avec Serge Letchimy, Président du Conseil régional, Patrick Chamoiseau, Gilbert Pago, responsable du projet de Centre des cultures caribéennes, Gilbert Eustache, maire du Diamant, Dominique Taffin, directrice des Archives départementales, Serge Domi et le groupe strombophone Watabwi. Des élèves du Collège Édouard Glissant du Lamentin, seront également présents pour ce moment exceptionnel.