PRÉSENTATION
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Depuis sa création, en 1990, le Prix Carbet de la Caraïbe a chaque année récompensé une œuvre littéraire créolophone ou francophone au terme d'une semaine culturelle animée de rencontres, de lectures, de débats, de projections, de concerts et d'expositions. Tour à tour organisé en Guadeloupe, Martinique ou Guyane, puis en Île-de-France, celui-ci ouvrit en 2009 son champ d'action et de prospection.
Cette année-là, Édouard Glissant et les membres du Jury décidèrent ensemble d'une nouvelle orientation. La zone de compétence du Prix littéraire devait s'élargir, non seulement à la Caraïbe tout entière et aux Amériques, mais également à l'Afrique noire et à l'Afrique du Nord. « Les phénomènes communs de créolisation, les solidarités du développement, et les réels contacts culturels et artistiques dans ces régions justifient cet élargissement » annonçaient-ils lors de la remise du Prix à Alain Plénel. Le Prix Carbet de la Caraïbe fut alors renommé « Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-monde ». En choisissant une telle appellation, les membres du jury envisageaient de « distinguer désormais aussi bien un ouvrage qu'une œuvre globale, et ceci dans tous les domaines de la pensée, aussi bien une œuvre qu'une vie, aussi bien une création qu'un exemple et un signe vers l'avenir ». En un mot, l'intention du nouveau Prix Carbet était de promouvoir plus largement des « visions du monde », artistiques, philosophiques, esthétiques ou politiques, sensibles à ses compositions métisses, singulières et plurielles, pouvant contribuer à une meilleure connaissance des processus de créolisation. Il s'agissait également, pour les membres du jury, d'étendre le regard au-delà des seules productions littéraires créolophones ou francophones, en ouvrant la sélection à d'autres langues et à d'autres imaginaires.
Engagé dans la poursuite de cet élargissement, l'Institut du Tout-monde a souhaité organiser cette 25ème édition 2014 à Cuba, en association avec la Casa de las Américas. Un an après la tenue à La Havane d'un important colloque consacré à « La diversité culturelle de la Caraïbe » - au cours duquel une journée d'étude fut consacrée à l'œuvre d'Édouard Glissant -, il s'agissait en effet d'ouvrir un champ d'action culturelle à la « Caraïbe tout entière ». Pour la première fois de son histoire, donc, le Prix Carbet se tiendra dans une île hispanophone, conformément à l'intention qu'exprima Édouard Glissant en 2008 « d'organiser des assises du Prix dans les Antilles anglophones et hispanophones, mais aussi en Afrique ».
Ce déplacement géographique vient aujourd'hui non seulement confirmer l'orientation critique voulue par Édouard Glissant, il entend également souligner l'énergie créatrice de cette île emblématique de la diversité de la Caraïbe dont témoignent deux récents lauréats du Prix Carbet : Leonardo Padura (Prix Carbet 2011) et Karla Suarez (Prix Carbet 2012).
MEMBRES DU JURY
Ernest Pépin (Guadeloupe, Président du jury)
Nancy Morejon (Cuba)
Patrick Chamoiseau (Martinique)
Lise Gauvin (Québec)
J. Michael Dash (Trinidad, États-Unis)
Miguel Duplan (Guyane, Martinique)
Samia Kassab-Charfi (Tunisie)
Romuald Fonkoua (France)
Evelyne Trouillot (Haïti)
Rodolphe Alexandre (Guyane)
Lyonel Trouillot (Haïti, Lauréat 2013, membre du jury invité)
« Ce qui paraissait constituer une faiblesse des réalités caraïbes, le caractère composite de ces sociétés, leur évident multilinguisme, leur dispersion en îles dans une mer ouverte, est cela même qui aujourd'hui dessine en perspective à la fois leur solidarité de fait et leur présence au monde.
Dans une époque où le savoir humain hésite au bord de techniques vertigineuses, qui ne sont pas sans poser de dramatiques problèmes de culture et d'éthique, les pays de la Caraïbe ont nécessairement besoin de conjoindre cette connaissance de leurs origines et de leurs histoires, pour mieux aborder ensemble à la multiplicité du Tout-Monde.
Dans cette époque encore, où les principes d'identité ont inspiré les libérations les plus éclatantes et motivé les intolérances les plus meurtrières, les pays de la Caraïbe se rassemblent autour de la conviction que leurs identités particulières sont inaliénables, mais qu'aussi bien elles sont complémentaires les unes des autres.
Le composite n'entraîne pas la dénaturation, le multilinguisme n'entame pas la force de l'expression collective, la formation en archipel n'est pas une structure de faiblesse ni d'impotence. Ces données spécifiques correspondent au contraire au mouvement même de notre monde contemporain et nous en favorisent l'approche et la fréquentation. »
Édouard Glissant