Sherry Simon fait allusion au cours de sa communication, au film Traduire de Nurith Avivi (2011), qui constitue le dernier chapitre d'une triologie de la réalisatrice israélienne, après D'une langue à l'autre et Langue sacrée, langue parlée. Cette triologie autant que cet ultime volet constituent une réflexion, une sorte d'enquête intuitive très poussée, menée à propos des usages et de la transmission de l'hébreu à travers les âges et les registres de langue. Traduire saisit la parole des traducteurs de l'hébreu qui disent non seulement leurs expériences diverses, mais aussi la spatialité de la traduction, que le film permet d'incarner ou d'effleurer. Le film n'est pas disponible dans son intégralité sur Internet, mais on pourra néanmoins consulter :
Autre modalité d'appréhension du lieu où les relations langagières contribuent à créer l'identité de l'espace : l'architecture du lieu bâti. Quand elle sont associées à des normes explicites, les formes architecturales peuvent être considérées comme « lingualisées ». Appréhension des modalités de rapports entre les langues dans les villes (cf. débat de la fin du XIXe siècle sur la vraie langues des pierres urbaines). Exemple de Prague : cas de traduction du bâti allemand en tchèque. Cas de lieux symboliques lingualisés, traduits de la même façon que l'espace urbain est reterritorialisé : les villes imprégnées des langues, et espaces publics saturés de relations langagières prenant la forme de la traduction : cas de Montréal avec la rivalité et le dialogue de deux modèles architecturaux, une architecture française d'origine face au fleuve, une architecture voctorienne qui la jouxte - une architecture lingualisée par conséquent. Étude des processus de territorialisation : Montréal ou Barcelone. Autre processus : le détournement ; la dissimulation et le refus de certaines langues (cas des langues amérindiennes à Montréal), cas de blocages de traduction.
L'espace est devenu une préoccupation importante pour la traductologie, sous l'influence des cadres intellectuels des années quatre-vingt, notamment le post-structuralisme, le postcolonialisme et le féminisme. Conception discontinue de l'histoire, et accent mis sur les assymétries du pouvoir et de la parole : attention portée au contexte de l'énonciation, qu'il s'agisse des lieux géographiques ou des modèles géographiques du postcolonialisme (qui introduit la carte en traductologie). Rupture avec les notions de continuité et de positivisme. La traductologie prend alors pour objet le texte social, politique et culturel. L'objet de la traductologie devient le texte qui circule. C'est tout ce qui fonde l'importance du contexte, depuis les lieux pysiques et les circonstances de travail du traducteur (lieu physiques, contraintes institutionnelles, nature historique et épistémologique du discours). Importance aussi du lieu national d'où est émise la traduction. La mondialisation a intensifié l'imbricationdu proche et du distant. Elle peut donc emprunter les courtes distances des villes, des maisonnées, des foyers.
Il est question d'interroger les espaces et les structures qui façonnent les rencontres inter-linguistiques ainsi que le rôle des langues et de la traduction dans la définition même du lieu. Certains espaces abritent en eux-mêmes l'activité de traduction : l'hôtel, le marché, mais aussi des lieux qui impliquent la contrainte, comme le check point ; d'autres lieux évoquent symboliquement les activités de traduction, comme le pont ou la tour. D'autres encore portent historiquement les marques et la mémoire de la traduction (voir l'église Sainte Sophie à Nicolsie : mélange d'architecture gothique et de minarets, exprimant une transaction symbolique liée à l'histoire particulière de ce lieu). Expression de la synamique de la circulation des langues, avec l'idée d'ocupation, avec une logique de territorialisation, idée fondamentale à l'action des langues (exemple de Montréal).
Choix d'un lieu de Hong-Kong où se croisent les cultures, les langues et les modes de vie. Définition de la traduction à propos d'un lieu comme l'étude du rapport entre les langues et non le simple constat de la présence d'une multitude de langues. Le lieu en question s'avère être un lieu de traduction interne, mais aussi un lieu lui-même traduit : il s'agit d'un translation site, défini par une intensité d'échanges, une conscience aigüe de la multiplicité des langues, et une conscience des enjeux de la traduction. Une langue des échanges, et une langue des récits qui constuisent le lieu (différence du lieu par rapport à l'espace : le lieu est constuit culturellement. Intérêt pour les espaces où se dédéroule la traduction mais qui résultent aussi des processus de traduction, produits des mouvements et des flux de transferts culturels. Ce changement de perspective est susceptible de renouveler les théories de la traduction.