L’œuvre d’Édouard Glissant interroge depuis ses débuts les conditions et la réalité d’un art poétique chez les peuples issus des esclavages et des colonisations modernes. De L’intention poétique à La terre le feu l’eau et les vents, de La Lézarde à Tout-monde, cette communication tentera de saisir les relations que la pensée du fondateur de l’Institut du tout-monde établit de façon dynamique et vivante entre les différents aspects de cette question esthétique.
Romuald Fonkoua est professeur de littérature française et francophone à l’université de Strasbourg ainsi qu’au French School de Middlebury College (Vermont, USA). Sa recherche porte autant sur les écritures d’Afrique noire que des Caraïbes auxquelles il a consacré de nombreux articles et ouvrages. Il a publié notamment Aimé Césaire (Perrin, 2010, Prix du Sénat du Livre d’Histoire et prix Robert Delavignette de l’Académie des Sciences d’outre-mer 2010), Essai sur une mesure du monde. Edouard Glissant (Champion 2002).
Jeudi 31 mai 2012 - Romuald Fonkoua
"Édouard Glissant : Réflexions
sur un « art poétique » postcolonial"
Alexandre Leupin est distinguished professor dans le département d'études françaises a l'Université d'État de Louisiane, où enseigna Édouard Glissant. Il est fondateur et directeur de la revue internet www.mondesfrancophones.com et a publié les ouvrages suivants, qui couvrent la littérature médiévale, l'histoire de l'art, la psychanalyse et la francophonie: Les Entretiens de Baton Rouge, avec Édouard Glissant (Gallimard, 2008); Lacan today: psychoanalysis, science, religion (Other Press, 2004); Fiction and Incarnation, Rhetoric, Theology and Literature in the Middle Ages (University of Minnesota Press, 2003); Phallophanies, la chair et le sacré (La passion des idoles III; Editions du Regard 2000); La passion des Idoles I : Foi et pouvoir dans la Bible et la Chanson de Roland (L'Harmattan 2000); Lacan and the Human Sciences (University of Nebraska Press, 1991); Fiction et Incarnation : théologie et littérature au Moyen Age (Flammarion, 1993); Barbarolexis: Medieval Literature and Sexuality (Harvard University Press, 1989); Le Graal et la littérature : étude sur la vulgate arthurienne en prose (L'Age d'Homme, 1983).
« Essentielle » depuis Platon, « la poésie » a explosé de nos jours — jusqu'au doute rétroactif d’avoir existé… Longtemps il fut possible d’en unifier le concept, malgré les définitions opposées, par la convention formelle notamment : or, à la suite d’abruptions successives, les aires de définitions qui permettaient de l’unifier se sont élargies démesurément et le concept, désormais, subsiste à l’état gazeux. Quiconque y va encore de sa définition ajoute un coup de vaporisateur. Aussi, repartant de zéro, importe-t-il de revisiter les tropes de pensée, pour dire ce qu’« elle » n’est pas autant que pour en dégager, s’il se peut, et en décrire le générique : « la poésie » n’est pas un genre littéraire, mais une forme de pensée. On la reconnaît en son trope : le noème. Aux six propriétés, commentées avec Édouard : poursuivant ainsi avec lui, en monologue intérieur, ce dialogue public que nous avons mené en sa compagnie sur une scène d’Avignon en 2007, nous tenons l’Intention poétique en entretien infini pour dire que La Séparée (c’est le nom de famille de « la poésie ») existe et serait même admissible — comme tu semblais l’indiquer devant le Théâtre du Verbe Incarné, Édouard, levant ta canne au ciel, tel le bâton de l’aruspice, en direction des royaumes épars…" Alain Borer
Mardi 10 avril 2012 - Alexandre Leupin
"Autorité poétique et réel du monde: sur
les essais théoriques d'Édouard Glissant"
Emmanuelle Recoing est Docteur en littérature générale et comparée et post-doctorante de l’Université Paris 3-La Sorbonne Nouvelle. Ses domaines de spécialisation sont les littératures antillaises francophones et anglophones, la littérature afro-américaine et les relations entre littérature et Histoire. Sa thèse dirigée par Jean Bessière montre comment la représentation de l’espace dans les littératures antillaises contemporaines est liée à des données historiques. Elle a participé à plusieurs colloques internationaux, publié douze articles et deux essais : L’île et le Livre, deux structures qui correspondent (éditions L’Harmattan, 2007) et Par delà le Blanc et le Noir ? Le thème de l’hybridité dans les littératures des diasporas africaines post-négritude (à paraître en 2012). Ses communications et articles récents étudient le rapport existant entre idéologie et langage. Elle travaille actuellement à un essai sur l’image chez les écrivains antillais des interactions existant entre les identités de race et de genre dans les Caraïbes.
Lundi 2 avril 2012 - Emmanuelle Recoing
"Édouard Glissant, du
théoricien au romancier :
quelle Relation ?"
L’un des apports les plus précieux et les plus originaux d’Edouard Glissant à la pensée contemporaine a été sa théorisation de l’identité, ce concept si chargé de connotations douteuses à la fois philosophiques et politiques. A un moment où beaucoup ont abandonné toute notion d’identité, Glissant au contraire l’a gardée tout au long de son œuvre, mais en la transformant au fur et mesure de l’évolution de sa pensée, qui elle-même s’est développée en réponse aux changements socio-politiques antillais et mondiaux. L’identité est donc toujours liée aux autres concepts glissantiens majeurs tels que l’opacité, la Relation, la créolisation, l’étant et l’Etre, et ainsi de suite. Dans cette conférence Celia Britton suivra le trajet parcouru par l’identité depuis Le Discours antillais jusqu’à Une nouvelle région du monde: c’est-à-dire de la lutte contre l’assimilation, aux contacts multiformes et imprévisibles entre cultures, et finalement à une conception plus abstraite basée sur la différence en tant que ‘matrice-motrice du chaos-monde’.
Peintre et sculpteur, Federica Matta est une artiste cosmopolite dont de nombreuses œuvres sont exposées et installées au Chili, aux États-Unis et en France. Elle a été élève à l'Institut Martiniquais d'Etudes, fondé par Edouard Glissant dont elle a partagé les idées et l'imaginaire. Elle présentera sa version du legs d'Edouard Glissant à l'esthétique et aux arts.
Dans le remarquable essai qui vient de paraître, Les voies de la créolisation, Essai sur Edouard Glissant, De l'incidence éditeur, 2011, Alain Ménil propose pour la première fois une analyse systématique des essais d'Edouard Glissant, depuis "Soleil de la Conscience" (1955) jusqu'à "L'imaginaire des langues" (2010). Sa connaissance personnelle des Antilles conduit l'auteur à envisager le parcours de Glissant selon plusieurs dimensions. Inséparable d'une histoire qui est d'abord celle d'une libération des consciences colonisées, le concept de créolisation est envisagé et interrogé en liaison avec des questions identifiées aujourd'hui comme postcoloniales. La compréhension de la notion de Relation comme de celle de Tout-monde en sort peut-être modifiée. D'où d'inévitables croisements avec la situation politique contemporaine, et les blocages persistants d'une idée républicaine, qui ne sait toujours pas comment s'affronter à l'histoire impériale française. Repenser à nouveaux frais ces points de friction, telle est peut-être la promesse la plus féconde de cette créolisation, dont Glissant n'a cessé d'interroger les tours et les détours.
Mardi 13 décembre 2011 - Alain Ménil
"Les offrandes d'Edouard Glissant : de
la créolisation au Tout-Monde"
François Noudelmann est Professeur des universités, il est aussi producteur à France Culture où il a animé de 2002 à 2010 les émissions hebdomadaires Les Vendredis de la philosophie et Macadam philo. Depuis septembre 2010, il anime Je l'entends comme je l'aime, une émission consacrée chaque dimanche aux relations entre la musique, la philosophie, la littérature et les arts.
Il dirigea le Collège international de philosophie de 2001 à 2004. Il enseigne à l'Université Paris VIII au département de littérature française et régulièrement aux États-Unis à Johns Hopkins University et New York University.
Session 2011-2012 : "Transmission et métamorphoses d'Edouard Glissant"
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Dans la continuité du travail accompli avec Édouard Glissant pendant les quatre dernières années à l'Institut du Tout-Monde et à l'université de Paris 8, ce nouveau séminaire rendra hommage au poète et penseur qui vient de disparaître. Il se déploiera selon les multiples dimensions de son œuvre : la littérature (poésie, roman, théâtre), la philosophie, la politique et l'anthropologie.
Il s'agira moins d'une exégèse de ses textes que d'un prolongement de ses idées et de son écriture, par leurs résonances et leurs métamorphoses dans la pensée et l'art contemporains. Les notions d'archipel, de digenèse, d'opacité, de créolisation, d'identité nomade, de tout-monde, de tremblement, de trace et d'imprévisible seront analysées à la lumière des transformations de la mondialité en cours. Elles seront mises en perspective, en amont dans la mémoire des humanités, et en aval dans le choc des différences à venir.
François Noudelmann
Mercredi 19 octobre 2011 - François Noudelmann
"Quel sens de la transmission
pour Edouard Glissant ?"
Maître de conférences à l’Université de Haute-Alsace, Emmanuelle Collas est historienne de l’Antiquité. Entre le littéraire et le politique, elle dirige depuis 2005 les éditions Galaade, une structure littéraire indépendante.
Écrivaine et essayiste, professeur émérite à l'université de Montréal, Lise Gauvin a écrit de nombreux livres sur la francophonie et sur les enjeux culturels et linguistiques du français, notamment La Fabrique de la langue : de François Rabelais à Réjean Ducharme (Seuil 2004). Elle a entretenu un long dialogue avec Édouard Glissant, dont est issu L'Imaginaire des langues (Gallimard 2010). Elle est aussi l'auteur d'essai-fiction (Lettres d’une autre ou Comment peut-on être québécois(e)? Le Castor astral 1984, TYPO 2007), de nouvelles (Fugitives, Boréal 1991; Arrêts sur images, L'Instant même, 2004) et de récits (Un automne à Paris, Leméac, 2005, Quelques jours cet-été-là, Punctum, 2007).