Alors quoi, finalement ? Combattre les jeux, la puérilité, la détestation rancie ? Mieux : déjà, prendre acte que ces réalités sont autant de scories qui peuvent entraver la réception à venir de Saint-John Perse, dans une diffusion renouvelée de son œuvre. En prendre acte pour en déjouer les effets, et se concentrer sur ce qui fait encore de Saint-John Perse, contrairement à ce qu'on se plaît à penser, le poète d'une étonnante et persistante postérité.
BHL : "Sûrement pas Saint-John Perse !"
Doutez-vous encore que le regard porté sur la poésie aujourd'hui, et sur la littérature en général, équivaut à ce type de jeu puéril qui consiste à se reporter unilatéralement à l'image des écrivains, comme en un vaste jeu des people qui aurait aussi atteint cette sphère-là ? Vous en doutez ? Eh bien jouons ensemble, vous verrez, c'est très amusant.
Le 7 décembre 2014, Audrey Pulvar recevait sur le plateau de son émission "18h Politique", sur I Télé, l'excellent Bernard-Henri Lévy. Le jeu, la question : "Si vous aviez la possibilité de vous réincarner, est-ce que ce serait en Churchill, en Malraux, en Albert Cohen ou en Saint-John Perse ?" La réponse fuse : "Sûrement pas Saint-John Perse !" Et l'impétrant d'hésiter, et d'opter finalement pour "Albert Cohen, pour changer", précisant qu'il lui plairait d'être en robe de chambre, avec un chapelet toute la journée, des malles pleines de souvenirs - lui qui le connaissait à la fin des années soixante-dix. Et la journaliste de préciser que oui, c'était un immense écrivain. Nous y voilà donc, au cas où vous n'auriez pas compris : l'image, toujours l'image, c'est bien la seule règle à respecter quand on joue à se réincarner... pour de faux. Saint-John Perse, lui, le vilain monsieur diplomate épris de points d'exclamations et de mots compliqués, non, décidément, n'insistons pas à son propos...
De la rancœur de l'oncle Henri et l'acrimonie du vieux Régis
Pour que de Gaulle, même par le souvenir du refus d'Alexis Leger de répondre à ses appels à rejoindre la France libre, pût se montrer aussi dur envers lui jusqu'au bout, il fallait aussi dans son entourage politique, des chevilles ouvrières zélées militant pour une intransigeance durable. Et René Massigli fut incontestablement de ceux-là, exemplaire en cela de tous les milieux gaullistes qui, après guerre, continuèrent de vouer Alexis Leger aux gémonies, refusant une représentation du gouvervenement français au Prix Nobel de Saint-John Perse en 1960. Rectitude, donc, que cette haine tenace envers Alexis Leger. La même, que semble porter au poète Saint-John Perse certains littérateurs, remarquables dans la réitération régulière de leur détestation. Les plus ardents de ceux-là mènent aux confins de cette détestation un singulier destin, qui les conduit en effet à répéter à l'envi, et à qui ne l'aurait pas encore compris que oui, décédiément, ils n'ont que haine et âcreté envers la poésie de Saint-John Perse. À la faveur ne serait-ce que de cette réitération, on pourrait espérer une accalmie. Non, rien n'y fait, et il faut encore et encore dire combien on abhorre cette œuvre et tout ce qu'elle porte. Avec une régularité métronomique, Régis Debray est une référence de cet exercice réflexe, de ce conditionnement, pour ne pas dire de cette manie. Sous sa plume, affleure souvent çà et là, en quelque article inspiré, en quelque considération hautement médiologique, de fréquentes allusions fieleuses envers Perse, on en a pris l'habitude. Mais ce n'était pas suffisant : en 2004, il fallait ajouter au fiel, l'arrogance et la caricature, et ça donne dans Dégagements (Gallimard, 2004) :
Mais revenons-en donc à René de Massigli, dont il me plaît de penser que la haine envers Leger avait effectivement quelque chose d'exemplaire dans sa constance même. Un témoignage : en 2004, le journaliste et grand reporter Bernard Ulmann publiait le récit étonnant de son enfance et plus particulièrement de sa mère, Lisette de Brinon, issue d'une famille juive et dont le second mari, le comte Fernand de Brinon, allait devenir un ardent partisan de la Collaboration. Dans ce récit, Lisette de Brinon, ma mère. Une Juive dans la tourmente de la Collaboration, on voit défiler aussi tout ce qui comptait à l'époque dans les milieux collaborationnistes, les Brinon ayant eu une "surface sociale" comme on dit particulièrement étendue. Il se trouve que l'un des habitués des rendez-vous mondains des Brinon fut René Massigli qui, avant de rallier la France libre en 1943, fut mis en disponibilité par Vichy, après sa nomination au poste d'ambassadeur de France en Turquie. En tout cas, dans les les souvenirs de Bernard Ullmann :
"Familier des lieux, et non des moindres, René Massigli, l'ancien camarade d'Henri Franck, qui, à la sortie de la rue d'Ulm, a déserté l'enseignement pour la diplomatie, y séjourne presque chaque été. Très grand, très myope, célibataire et cœur à prendre, Massigli fait partie des paysages de nos étés. À la table de la salle à manger, et à l'heure du café sur la terrasse, il évoque Normale sup et les anciens camarades morts ou vivants. Il erafle au passage Alexis Léger, le secrétaire général du Quai d'Orsay, qui est aussi et surtout le poète Saint-John Perse, qu'il déteste, et Pierre Laval, qu'il méprise, des noms que nous apprenons à connaître et qui font partie de son univers professionnel. Il s'exprime avec un débit précipité qui fait le désespoir des interprètes de la SDN mais qui nous est familiers, à nous les enfants pour lesquels il est une espèce d'oncle de substitution, paré d'un peu du prestige du vértitable "oncle Henri". "
Mais on pourra s'interroger : après tout, pourquoi évoquer cette haine tenace envers Alexis Leger de la part de René Massigli, quand tant d'autres s'y sont illustrés ? Eh bien parce qu'elle ma paraît assez révélatrice, dans sa continuité même, dans sa vivacité et dans son expression obsessionnelle, de ce phénomène de répulsion qu'a provoqué le diplomate chez certains, et que le poète a également partagé. Cette sorte de haine ordinaire et continuelle portée à l'encontre de Leger continue finalement de me fasciner, relevant encore une fois d'une longue tradition qui a ses continuateurs jusqu'à aujourd'hui. Je suis attentif aux vocables de "dilplomate nonchalant", qui renvoient aussi à l'expression de Léon Daudet, qui parlait du "mulâtre du Quai d'Orsay" : tant d'indices avérés qui disent des considérations raciales larvées envers celui qui fut, à son corps défendant sans doute, tenu pour un Antillais intrus dans la haute fonction publique et le corps diplomatique, celui que trahissait un accent créole persistant. Ces considérations-là, portées à l'endoit de Leger comme de Saint-John Perse, ne sauraient être minorées.
"L'examen du dossier ne vaut la peine que dans la mesure où il touche au fonctionnement du Quai d'Orsay. Et le dossier à charge est, il faut le souligner, très lourd. Seul l'ouvrage consacré au corps diplomatique français, dirigé par Jean Baillou, propose un jugement favorable sur Alexis Léger, fondé sur la longévité de l'exercice dans la charge : "La fréquence des changements de ministres qui allait caractériser la nouvelle période par rapport à la précédente devait naturellement rendre moins intime la collaboration du secrétaire général avec les successeurs successifs du portefeuille des Affaires étrangères. Plus gravement, des divergences de vue ont pu se produire avec certains d'entre eux, comme en 1936 ou en 1938. Ainsi se trouva-t-il amené à se concentrer davantage sur la partie de sa tâche qui consiste à exercer la haute direction de tous les services. Les éminentes qualités et l'expérience diplomatique d'Alexis Léger, ainsi que son prestige personnel devaient lui permettre d'assurer celle-ci de façon harmonieuse à une époque difficile." [Les Affaires étrangères et le Corps diplomatique français, op. cit., tome II, p. 384.] On ne peut mieux résumer, pour l'honneur du Quai d'Orsay, une situation délicate qui ne pouvait qu'empirer avec les aspirations du IIIe Reich : une administration légère en hommes et en moyens et un personnel politique écartelé entre attentisme et initiative.
Reste que les reproches faits à Alexis Léger sont lourds. Et si celui-ci avait des amis, notamment dans les milieux de la presse, ses ennemis dans le milieu diplomatique constituèrent contre lui un dossier d'une virulence étonnament peu compatible avec l'esprit maison. Quant au monde politique, à commencer par Paul Reynaud, il procéda à un réglement de comptes soit par la véhémence, soit par la caricature qui fait partie d'un jeu classique. Néanmoins, dans ce qu'il faut appeler un acharnement au discrédit, se pose la question du regard porté sur ce Guadeloupéen déclassé qui n'avait pas servi la France epndant la Première Guerre mondiale, parce que soutien de famille, qui était entré dans l'amitié de Briand et Berthelot alors qu'il n'avait des Affaires étrangères qu'une courte expérience asiatique et qui témoignait, le temps passant, d'une résistance dans une fonction illustrée par son prédécesseur quelque peu énigmatique. [La famille Léger au complet avait quité définitivement la Guadeloupe en 1899 et s'était installée à Pau. Alexis Léger avait douze ans. Il en avait vingtdeux lorsqu'il perdit brutalement son père. il dut alors, comme il l'écrit dans la Pléiade, "interrompre quelque temps ses études à Bordeaux pour se consacrer aux siens, pami de graves soucis matériels", O.C., Bibliothèque de la Pléiade, NRF Gallimard, 1972, rééd. 1982, XIII.]
Alexis Léger soutiendra dans un entretien avec Francis Crémieux donné aux lendemains des accords de Munich que Goering l'avait traité (hors conférence) de "nègre". C'est le terme repris par Alain Laubreaux, ancien collaborateur à Je suis partout : "Les journeaux annoncent la nomination de Weygand, "général heureux", et celle de Charles-Roux à la succession du nègre Alexis Léger comme secrétaire général des Affaires étrangères." [Alain Laubreaux, Écrit pendant la guerre, Éditions du centre de l'Agence Inter-France, 1944, p. 177.]
Le style Léger fut assurément souligné par les origines du personnage, en vertu de sétréotypes qui à la fois fournissent des explications faciles et encouragent la critique. "Poète nonchalant", écrivit Alfred Fabre-Luce. Au-delà du jugement rapide porté par un esprit fin sur une poésie ardente, on voit bien le ressort du jugement : ce "fonctionnaire", pour reprendre l'expression de Paul Reynaud, travaillait peu. En réalité, écrivait peu, pour un secrétaire général, ce qu'atteste le Journal de R. de Sainte-Suzanne, lequel consigne également qu'il lisait peu, voire pas, les télégrammes et les dépâches. Léger était, à soivre le fil du Journal, un conversationniste, comme si entre le secrétaire général et le poète une partition s'était installée, concédant l'oral à la fonction diplomatique mais réservant à l'écrit la haute fonction poétique.
Tout se tient dans un procès: l'hérédité, le caractère, les circonstances. René Massigli, proche collaborateur d'Alexis Léger de mars 1933 à octobre 1938, prononce en tant que procureur la phrase clé du procès : "Mais saint-John Perse avant de disparaître lui-même, et peut-être dès le lendemain de la Libération - accomplie grâce à de Gaulle dans des conditions autres que celles qu'il avait escomptées -, avait décrété qu'Alexis Léger était mort ; il n'en avait pourtant pas le droit... [Une comédie des erreurs (1943-1956), Plon, 1978, p. 13.] Ainsi le procès Léger s'articule sur plusieurs arguments : outre celui des circonstances, ceux de l'hérédité, du caractère et même, comme on vient de le voir, du devoir civique. [...]
À y regarder de près, deux raisons simple nous paraissent expliquer le procès fait à Léger et l'acharnement de ses deux procureurs après 1960 (année du prix Nobel), René Massigli et Léon Noël. La première tient à la gloire de Saint-John Perse qui fortifie d'aucuns a posteriori dans l'idée que l'exil de 1940 témoignait d'une hauteur insupportable. La seconde est liée à la publication des Œuvre complètes dans la Pléiade en 1972 par les soins de Saint-John Perse lui-même. René Massigli et Léon Noël dénoncent sussessivement le faussaire. Et même le traître. Faussaire quant à sa qualité de visionnaire sur la Chine en 1917, sur l'URSS dans les débuts du stalinisme. Faussaire quant à sa défense de la France entre 1940 et 1945 et traître parce que pratiquant une politique d'influence résolument antigaulliste auprès des milieux Rossevelt qu'il fréquentait et du secrétaire d'État, Crdell Hull.
On ne peut guère réfuter ce dernier point, si ce n'est son interprétation. Quelles furent exactement les aspirations de Léger de 1940 à 1944, puis une fois rétabli dans ses droits à la Libération, de 1944 à 1958, années où il prolongea avec un énigmatique entêtement son destin d'exilé qu'il n'était officiellement plus ? S'il craignit pendant la guerre le "boulangisme" du général de Gaulle, il n'en est pas moins demeuré à l'écart d'une IVe République où il comptait nombre d'amis chez les radicaux, à commencer par Édouard Herriot. De son côté, le général de Gaulle fut impitoyable à l'égard de Léger, alors qu'il pardonna à Roland de Margerie "son esclale à Londres" avant de gagner la Chine. Lors de son premier voyage officiel aux États-Unis, en 1960, il le fit rayer de la liste des invités àl'ambassade de France à Washington. C'est dire l'importance accordée au refus renouvelé de 1940, mais aussi le prix attaché à son adhésion, la suspucion forte, enfin, d'une orientation à l'Ouest des relations internationales. C'était surtout penser que Léger, au-delà de son poste, aurait pu contribuer à une politique extérieure de la France défaite, ce qui revient à considérer que le général de Gaulle ne considérait Léger ni comme munichois, ni comme pacifiste ou défaitiste. Très probablement de Gaulle avait cherché un administrateur. Avait-il des vues sur le charisme de l'Antillais, comme sur celui de Félix Éboué au Sénégal ? On ne saurait dire."
Image tirée du documentaire : René Massigli à gauche, Alexis leger à droite,
de profil. La photo, connue, est tirée des archives de la FSJP.
Extrait de : Histoire de la diplomatie française de Marie-Élise Beyne et Jean Musitelli (JEM Productions, SFP, 2009) - 2e partie : "De la puissance à l'influence".
Image tirée du documentaire : Alexis Leger, à gauche, lors d'une conférence internationale. La photo, connue, est tirée des archives de la FSJP.
La seconde partie, intitulée "De la puissance à l'influence" réserve, on le devine, une large place au rôle prééminent d'Aristide Briand, et par ailleurs à la tourmente des années trente, au cours de laquelle l'action de Leger sera déterminante. Au cours de l'extrait proposé ci-dessus, est évoqué ce tournant particulier de la fin de l'ère Briand et de cette trop fameuse "montée des périls" que l'on sait. Se détachent ici certaines figures du Quai d'Orsay, dont Alexis Leger et René Massigli. Ce dernier est d'ailleurs évoqué ici par l'historienne à qui l'ont doit la solide biographie du diplomate, René Massigli (1888-1988). Une vie de diplomate (en 2 volumes, Peter Lang, 2006).
Le retour des apparitions subliminales d'Alexis leger, diplomate
En octobre 2014, nous reprenions le fil des actulisations de Sjperse.org avec un aperçu des récentes "apparitions subliminales d'Alexis Leger", comme j'appelais alors ce phénomène fréquent des réapparitions furtives du versant diplomate de Leger, au gré de documentaires historiques télévisés faisant usage d'archives vidéos ou photos se rapportant à la période au cours de laquelle officia le Secrétaire général du Quai d'Orsay. Phénomène fréquent comme je le disais alors, et dont il est loisible de tenir comme une sorte de chronique régulière, pour qui est attentif à ces documentaires de qualités inégales, et parfois excellents. Le jeu, dans ce cas, étant de savoir tirer partie de ces petites évocations vidéos ou iconographiques, saisissant comme des instantanés de la longue carrière diplomatique d'Alexis Leger ; un jeu de "contextualisation", pour user d'un vocable propre à l'historiographie, qui permet aussi de jauger le regard actuel porté, fût-ce en termes allusifs, sur le rôle historique de Leger. Une sorte de jeu de piste en somme, auquel je vous convie encore pour la présente actualisation, à la faveur de la récente diffusion d'un documentaire en deux parties, excellent quant à lui, consacré à une histoire très rigoureuse de la diplomatie française. Multidiffusé en 2014 sur plusieurs chaînes françaises dont TV5 Monde et LCP, Histoire de la diplomatie française de Marie-Élise Beyne et Jean Musitelli (JEM Productions, SFP, 2009), dresse un panorama de haute tenue de la diplomatie française, de ses origines à aujourd'hui.
Et c'est ici qu'intervient la première occurrence de détestation car justement, René Massigli, directeur politique adjoint à l'époque visée par le documentaire, vouait une haine tenace à Alexis Leger, assez exemplaire dans sa constance et dans sa férocité. Ce versant de la détestation touche avant tout le diplomate donc, une haine due à l'origine, à l'éviction dont René Massigli est victime après les accords de Munich, avant d'être nommé ambassadeur de France en Turquie en 1939. Attribuant cette éviction à Alexis Leger, René Massigli va faire preuve, dans ses jugements ultérieurs, dans ses écrits mêmes, de cette constance et de cette virulence d'une détestation qu'il est utile de lier à ce qu'Henriette et Philippe Levillain nomment justement le "procès Léger" (Raymond de Sainte-Suzanne, Une politique étrangère. Le Quai d'Orsay et Saint-John Perse à l'épreuve d'un regard. Novembre 1938 - Juin 1940. Présentation de Henriette et Philippe Levillain, Viviane Hamy, 2000). Puisqu'il est question de ces années clé dans l'extrait choisi du documentaire (voir ci-dessus), et ne serait-ce justement que pour mieux appréhender cette haine de René Massigli vis-à-vis d'Alexis Leger, il me paraît souhaitable de citer ici ce passage de l'introduction d'Henriette et Philippe Levillain, justement à propos de ce "procès Léger" :
"Les Dossiers de l'Institut du Tout-Monde" vous proposent des focalisations sur certains points liés à la philosophie générale de l'institut. Les créolisations, l'idéal de Relation, la trame plurielle et tremblée des interculturalités agissantes : les axes, en somme, qui furent ceux qu'Édouard Glissant avait voulus aux fondements de l'Institut du Tout-Monde, quand il le fondait en 2006. Une approche intuitive que nous déclinerons au gré de ces nouvelles propositions du site.
Enseignements d'une détestation
Le masochisme pourrait-il faire partie de ces "passions tristes" dont parle Spinoza dans L'Éthique ? La question mériterait certainement d'être examinée. En tout cas, il est un phénomène qui, pour ma part, pourrait ressembler à du masochisme sans en relever pour autant, un phénomène qui avait déjà donné lieu à toute une rubrique de Sjperse.org ("Saint-John Perse vu par les médias - Le grand malentendu"), rubrique dans laquelle, moyennant une attention au discours dominant véhiculé dans les médias dès qu'il est question de Perse, je me penchais aussi sur cette véritable tradition de la détestation portée à la fois à l'encontre du poète et du diplomate. Je le disais déjà sur pièces en quelque sorte car en la matière, pour ne pas être soupçonné d'une sorte de paranoïa due au parti-pris que constitue une prédilection avouée, voire une "passion" (on y revient), qui ferait interpréter toute critique pour un geste systématique, on a toujours intérêt à s'appuyer sur des références vérifiables. J'essayais de montrer dans ce dossier, que le discours de détestation envers Perse et Leger relevait déjà d'une tradition très répétitive, en effet, tant du côté de l'historiographie que de tout un pan de littérateurs. Et je le crois encore : l'attention que l'on peut porter à la perpétuation et au renouvellement de ce type de discours est en soi susceptible d'établir bien des enseignements. On pourrait d'ailleurs étendre le phénomène à tout écrivain en général sur lequel une sorte de corpus de griefs ou d'inimitiés se trouve être régulièrement réitéré : dans ces cas, il me semble que l'analyse fine des "actes d'accusation" peut être salutaire en cela qu'elle renseigne surtout sur la nature du regard porté sur une œuvre et son auteur, regard comme on le sait tant conditionné par tout un tas d'idées préconçues, de raccourcis, de jugements persistants et le plus souvent frivoles. C'est en somme tout un champ de ce que, dans la critique instituée on nomme "études de réception", qui devrait se consacrer à une réelle déconstruction au sens même où l'entend Derrida, des schèmes ainsi colportés. Ce faisant, se dessine une sorte de phénoménologie de la détestation, et même une typologie des sectateurs. Je le crois fermement, et le cas de Saint-John Perse est dans ce domaine hautement exemplaire. Pour le présent dossier, je vous propose quelques exemples, au gré de quelques digressions et surtout, à partir d'occurrences tout à fait récentes. "Ils m'ont appelé l'Obscur, et j'habitais l'éclat".