Réécoutez « Grand Large » en podcast sur Radio Toma (la radio du TOMA / Chapelle du Verbe incarné, Avignon) l'émission consacrée à l'édition 2022 des « Écrans du Tout-Monde », avec Sylvie Glissant, Mathieu Glissant, Edwy Plenel, présentée par Michel Reinette et Savannah Macé.
« Rien ne pousse ici, ni la dérision des pauvres, ni le rire gras du pouvoir ». Un texte coud l’ensemble du film, ramassé dans la puissance évocatoire des mots. Ils concentrent la poésie du révolté et la violence de l’histoire individuelle au regard de l’histoire collective. A la brutalité des destinées répond la crudité des vocables. Depuis le pont entre passé et présent, Zaho Zay traque le trauma de Madagascar comme celui de l’enfance. Berceuses et contes enfantins réveillent les meurtrissures de la petite et de la grande Histoires tandis que dans le tissu des images, des gestes, des traditions, des savoir-faire survivent. Là où le passé emprisonne, les images résistent, les mots ressuscitent.
Zaho Zay est une élégie en deux mouvements. Le premier suit la figure erratique d’un meurtrier en fuite qui traverse différentes réalités insulaires. Le second, à l’âpreté documentaire, se noue autour du destin figé de prisonniers entassés dans une prison surpeuplée de l’île. Une voix, seule, de femme trame les deux mouvements dans l’unité du texte et façonne de ses silences et de ses accents le corps d’images. Elle est l’adresse intime d’une matonne de la prison à son père, le criminel en fuite, dont elle convoque le souvenir sous les traits mythiques d’un Betsileo, habitant autochtone du Sud-Est de Madagascar. Le texte s’enracine dans le souvenir de ce père fantomatique, de ce meurtrier figuré en cowboy solitaire qui joue aux dés le sort de ses victimes. Des réminiscences de l’enfance surgissent les images des réalités contradictoires du pays. Au rêve, le film emprunte la forme généreuse et libre d’une progression par associations qui déjoue la pure logique narrative. De la vie claquemurée qui tente de subsister dans un système carcéral surchargé et insensé aux tisseuses de soie, de la culture du Katrafay aux paysages abîmés et aux hôtels évidés en attente de leurs riches clients, Zaho Zay livre le présent d’une île marquée par son passé colonial, nostalgique d’une liberté, d’une innocence. Zaho Zay ou l’état d’âme de l’île Rouge. (C.L.)
Elle doit monter une pièce de théâtre, finir sa thèse. Lancer une machine. Régler des comptes ancestraux avec les pères et les patrons.
Comme toutes les femmes, elle est très occupée. Découvrant sur le tas sa nouvelle condition de « maman solo » elle jongle avec sa solitude sociale, sa solitude existentielle, et s’interroge sur les liens invisibles entre batailles intimes et luttes collectives.
Portrait poignant d’une femme qui ressemble à tant d’autres.
Samira El Ayachi est une écrivaine née dans le nord de la France. Elle écrit et publie des romans La vie rêvée de Mademoiselle S. (éditions Sarbacane, 2008) et Quarante jours après ma mort (éditions de l’Aube, 2013), Les femmes sont occupées (éditions de l’Aube, rentrée littéraire 2019). En parallèle de l’écriture de romans, elle développe une recherche qu’elle nomme Ecriture vivante, en écho à Spectacle vivant : une écriture performative, protéiforme et expérimentale où sa voix croise celle des gens qu’elle rencontre. Dans cette recherche, l’auteure fait appel à plusieurs supports : l’écriture improvisée, l’écriture dans l’état, la vidéo, l’enregistrement audio, l’écriture de notes et de fragments, la performance, et conçoit des dispositifs où la relation qu’elle tisse avec le public est en lui-même l’événement.
Cofondatrice et directrice artistique du Studio Théâtre de Stains, metteure-en-scène, Marjorie Nakache fait ses études théâtrales à Paris III Censier. Comédienne de formation, elle a joué dans différents spectacles avant de s’essayer à la mise en scène. Elle expérimente des créations originales : mélange des formes artistiques, utilisation de témoignages vivants. Elle mène un travail de terrain auprès des associations, des habitants et des jeunes de quartiers afin de les sensibiliser à la création. Elle réalise plusieurs mises en scène depuis plus de 30 ans dont certaines mêlent les formes artistiques (théâtre, chant, arts du cirque) : Féminin Plurielles, J’espérons que je m’en sortira, Les Vilains, Baroufe à Chioggia, La double inconstance, Pygmalion, Le jeune prince et la vérité, De grandes espérances, Fables, Rêver peut-être et Tous mes rêves partent de gare d’Austerlitz.
À lui seul, Frantz Fanon incarne toutes les problématiques de l’Histoire coloniale française. Résistant martiniquais, il s’engage, comme des millions de soldats coloniaux, dans l’Armée Libre par fidélité à la France et à l’idée de liberté qu’elle incarne pour lui. Écrivain, il participe au bouillonnement de la vie de Saint-Germain avec Césaire, Senghor ou encore Sartre, débattant sans relâche sur le destin des peuples colonisées. Médecin, il révolutionne la pratique de la psychiatrie allant chercher dans les rapports de domination des sociétés coloniales les fondements des pathologies de ses patients de Blida. Militant, il rassemble par son action et son histoire, les colères des peuples écrasés par des siècles d’oppression coloniale.
Mais au-delà de ce parcours exceptionnel qui rend sensible la permanence du colonialisme français des petites Antilles aux portes du désert Algérien, il laisse une œuvre incomparable qui lui vaut être aujourd’hui l’un des auteurs français les plus étudiés Outre-Atlantique.
Audrey Maurion est à la fois scénariste, monteuse et réalisatrice. Elle porte à son crédit le montage de plus de 50 films documentaires. Ses travaux ont essentiellement traité de questions égalitaires (« Tiananmen » pour Arte/PBS, «Pour l’amour du peuple » sélectionné à la Berlinale 2014 et primé à Milan, Taïwan et Copenhague etc.). Elle a su, à chaque fois, relever les défis liés à des sujets profonds et importants de l’histoire.
Mathieu Glissant, auteur, scénariste, et réalisateur, a travaillé de nombreuses fois sur le monde antillais (Napoléon et la Mémoire Antillaise, documentaire, RMN-GP & Fondation pour la mémoire de l’esclavage ; Brûlé Neige, 26’, court métrage de fiction aidé par le CNC et la Région Martinique ; Édouard Glissant, La Créolisation du monde, 52’, Documentaire. Collection Empreintes, France 5). Pour ce documentaire original et ambitieux, le travail de Mathieu s’avère primordial.
En juillet, le rendez-vous annuel de l'ITM
en Avignon, Chapelle du Verbe incarné
Depuis 2010, c'est le rendez-vous annuel du l'Institut du Tout-Monde au Festival d'Avignon, à la Chapelle du Verbe incarné dirigée par Greg Germain et Marie-Pierre Bousquet. Un rendez-vous de cinéma et de documentaires, dédié aux images d'un monde en Relation. Un rendez-vous de débats aussi, autour des grandes thématiques du Tout-Monde, au cœur de l'un des rendez-vous culturels majeurs de l'été, et en ce lieu attachant et chaleureux de la Chapelle du Verbe incarné où Édouard Glissant aimait à débattre des rythmes et des évolutions du monde.