Poétiques de résistance, Puissance(s) de la forêt
présenté par Dénètem Touam Bona et Sylvie Glissant
Dane Belany
Marcher sur l'effondrement. Texte de Cintia Guedes en hommage à la leader afro-brésilienne Marielle Franco
Qu'advient il d'un rêve suspendu ? Dream deferred, poème de Langston Hugues
Rocé
Par les Damné.e.s de la terre. Des voix de luttes et de résistances
Hawad
Détournements: Paroles et gestes furigraphiques. (poème scandé en tamajaght, en langue touareg)
J-C. Goddard
Accompagné par la musique de Christophe Rulhes
Xawara, les épidémies des blancs
Véronique Kanor
Les tôles de la nuit . Pict-Dub poetry
Seloua Luste Boulbina
La torche de résine
Christiane Vollaire (texte) et Philippe Bazin (montage photo)
Dans les bois de Lesbos
Dénètem Touam Bona (texte)
Lianes indociles/ Réflections marronnes
Yure Romao
Urgences
Récitations poétiques : Tchikaya U Tam'si et Edouard Glissant
par Felhyt Kimbirima
À travers temps et fleuve
Le sang rivé
Arbre grand arbre
Pays rêvé, pays réel
Anabell Guerrero
Voix du monde/Delocalization
Vincent Bredif
Écho
Soirée coordonnée par Sylvie Glissant et Denetem Touam Bona.
Cette édition des Poétiques de résistance sera placée sous le signe d'un des derniers aphorismes d'Edouard Glissant : « Rien n'est vrai, tout est vivant ».
Edouard Glissant n'invente pas une « poétique de la relation », il l'exhume à même l'opacité du vivant. D'où sa passion pour le bouillon primordial de la mangrove où nos distinctions – bien trop humaines - ne cessent de se brouiller. L'opacité n'est en effet rien d'autre que l'entrelacs infini des lignes de vie. Le travail poétique consiste précisément à déployer cette opacité en se laissant « traverser » par les puissances primordiales qu'elle recèle, et que révèle à merveille la poussée irrésistible des végétaux. Et s'il y a une vérité qui compte, cela ne peut être que la vérité de cette « traversée » même.
C'est dans la forêt que la pulsation, l'hybridation, la créolisation du vivant, et la multitude de ses expressions se laissent le mieux percevoir. L’écheveau aérien des lianes et des épiphytes couplé au lacis souterrain des racines et du mycélium, toute cette bio-poétique de la relation fait de la forêt une toile mouvante, un « Tout-Monde » en constante réinvention, au regard duquel notre WEB paraît bien rudimentaire.
Vivre poétiquement la forêt, ce n'est pas la voir comme un « environnement » extérieur à nous ou comme une ressource naturelle à exploiter, mais en ressentir la « puissance ». Puissance du vivant qui s'y manifeste, puissance aussi de peuples et de communautés qui se dressent dans leurs replis sylvestres. Aussi par "forêt" nous entendons moins un écosystème particulier que la poussée indocile du vivant : l'"être-debout"qui toujours s'oppose en nous au mouvement courbe de l'humiliation, de la soumission, de la servitude contrainte ou volontaire.
La poésie est célébration du cosmos, c'est un grand « Oui » à la vie, mais c'est justement ce Oui qui nous oblige à dire Non, à témoigner de l'intolérable, de l'immonde, de la destruction du monde - qu'il s'agisse de la 6ème extinction de masse des espèces vivantes ou de l'abolition en cours du droit d'asile. N'oublions pas que le droit à l'opacité si cher à Edouard Glissant renvoie aussi au droit de fuite mis en œuvre par les « nègres marrons » : des femmes, des enfants, des hommes qui dans leur course folle arrachent leur livrée de domestique pour endosser l’ombre striée des feuillages. Une écologie politique ne peut être que marronne : en témoigne, en France, la détermination des ZADs à toujours construire, reconstruire et, dans ce mouvement même, réinventer des mondes, des lignes de vie en relation.
Denetem Touam Bona