Ourika (1823)de la duchesse Claire de Duras (amie de Chateaubriand et de Mme de Staël) représente un jalon essentiel dans la représentation de l'esclavage de la condition noire au tout début du XIXe siècle. C'est surtout au gré des relectures modernes qu'on a pu établir l'importance de ce roman largement en avance sur son époque.
Ce n'est que très récemment que la notoriété de cette pièce de 1835 de Charles Desnoyer et Jules-Édouard Alboize du Pujol a repris ses droits, à la faveur de cette réédition dans la collection « Autrement Mêmes » de L'Harmattan (présentation de Barbara T. Cooper). Un moment charnière dans la représentation de l'esclavage au XIXe siècle.
Le Tamango de Mérimée célèbre également l'héroïsme, ce qui vaudra à la nouvelle de 1829 une certaine postérité dans la dénonciation de l'ordre esclavagiste.
Bug-Jargal, roman de jeunesse de Victor Hugo (1826), a pour toile de fond la révolution de Saint-Domingue et célèbre la figure héroïque du rebelle.
Le Voyage en Orient (1835) de Lamartine (ci-contre dans l'édition de Sarga Moussa chez Champion) fait part à la condition servile, en une scène fondatrice.
Les Lettres Persanes (1721) sont l'autre lieu fameux de l'œuvre de Montesquieu (avec De l'Esprit des lois) où l'esclavage est abordé, de plusieurs manières.
Au cours des deux parties de l'entretien avec Sarga Moussa, diverses œuvres des XVIIIe et XIXe siècles sont abordées, dans la visée d'un panorama chronologique concernant les propos relatifs à l'esclavage et à la condition noire. Parmi ces œuvres présentées sous cet angle par Sarga Moussa (parmi lesquelles Voltaire, Rousseau, Condorcet entre autres), on citera ici notamment :
Avec Sarga Moussa, nous avons l'opportunité, en cette phase introductive de notre cycle, d'aborder les œuvres qui fondent une sorte de généalogie de notre corpus (qui est celui des XXe et XXIe siècles). Avec précision, il nous permet ici d'opérer une sorte de panorama qui nous sera très utile dans la perspective qui est la nôtre, étant entendu que nous ne pouvons approcher le tournant que marque le XXe siècle dans ces discours littéraires, sans un regard assuré sur tout ce qui précède. Dans les deux parties de l'entretien réalisé avec Sarga Moussa, sont abordées tout à tour certaines des œuvres clés de ces deux siècles qui ont fondé un registre littéraire inhérent à la traite transatlantique et à l'esclavage de plantations. De quoi conforter le regard transversal que nous avions visé d'emblée, et nous fournir des repères sûrs, pour aborder la suite de ce cycle en quête, par une traversée des temps et des modèles de représentation.
Pour notre deuxième séance, nous recevons Sarga Moussa, directeur de recherche au CNRS et membre de l'UMR Thalim à la Sorbonne Nouvelle, spécialiste de littérature française du XIXe siècle et de l'orientalisme littéraire. En 2009 puis en 2014, il a dirigé et co-dirigé deux importants colloques internationaux dont les actes comptent parmi les publications déterminantes de ces dernières années, à propos des littératures de l'esclavage : Littérature et esclavage, XVIIIe-XIXe siècles (Éditions Desjonquères, 2010) et L'esclavage oriental et africain au regard des littératures, des arts et de l'histoire (XVIIIe-XXe siècles), Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2019. Approches des deux grandes aires de développement de l'esclavage au fil du temps, les études rassemblées au gré de ces deux volumes donnent à apprécier l'étendue des représentations qui ont accompagné l'histoire, faisant des expressions littéraires et artistiques non seulement des témoignages de leurs temps, mais encore des lieux de positionnements, de réflexion, d'anticipation.