LOÏC CÉRY (directeur du Centre international d'études Édouard Glissant au sein de l'Institut du Tout-Monde et auteur de l'étude critique en deux volumes Édouard Glissant, une traversée de l'esclavage - Éditions de l'ITM, 2020), proposait lors de cette séance de notre cycle « Mémoires et littératures de l'esclavage : écrire la trace, tramer l'histoire », un parcours synthétique de cette ample pensée de l'histoire, de la mémoire et de l'identité, un parcours fondé à la fois sur son étude et sur une sélection inédite d'archives audiovisuelles d'interventions et d'entretiens avec Édouard Glissant.
Aborder l’œuvre d’Édouard Glissant sous l’angle de son ample pensée de l’histoire et en particulier, par le prisme de sa vision de l’esclavage ne consiste pas à se cantonner à un « thème » parmi d’autres. Il s’agit plus exactement, d’en considérer à la fois la matrice et le creuset à partir desquels se déclinent une vision des mémoires, une conception spécifique du passé (son appréhension par la « trace »), une projection prospective dans les futurs du monde, et une définition ouverte et dynamique des identités collectives. C’est dire combien dans le cas de Glissant, la question historique, celle de l’esclavage considéré comme une entité intégrale de la colonisation, ne saurait se restreindre à un répertoire programmatique, quand il est question de la voie par laquelle l’écrivain-poète-dramaturge-essayiste a élaboré dans sa globalité une vision du monde qui, on le constate encore, continue de fasciner par son ampleur et son originalité. Rien, décidément, dans la pensée moderne, ne ressemble à cette parole qui se fait entendre par les voix plurielles des genres, pour épeler l’histoire en polyphonie comme cadre où se déroule le drame humain mais où se jouent aussi les ressorts inattendus de la Relation.