À notre tour de remercier Sophie Bourel de restituer Les Indes avec une telle force, et de transmettre avec ferveur cette trace des mémoires brisées.
Karim Touré, Compositeur et Percussionniste - Depuis de longues années, Karim Touré joue, compose, enseigne. Il aime franchir les barrières esthétiques : musiques du monde, musique baroque, chanson (Souchon, Guidoni ..), funk, free- jazz. Il est également membre de l'Ensemble Variances de Thierry Pécou. Il se produit avec le poète Haïtien James Noël et travaille avec la comédienne Sophie Bourel. Il compose et joue la musique du spectacle, Les Indes d'Edouard Glissant. Il enseigne la percussion au Studio des Variétés dirige un atelier musical pour enfants handicapés à l'IME d'Arques-la-Bataille ainsi qu'au Centre Normandie Lorraine de Rouen (enfants mal voyants, non voyants, autistes).
Sophie Bourel (Compagnie La Minutieuse), comédienne, joue au théâtre sous les directions notamment d’Elizabeth Chailloux, Dominique Lurcel, Brigitte Jaques, Philippe Ferran, Marie-Claude Morland, Christophe Tiry et Marie-José Malis…
Elle exprime sa passion de la littérature et de la poésie au travers de lectures de et avec Edouard Glissant, Saint John Perse, Rimbaud, Alain Borer, Dante, Jacqueline Risset, Yves Bonnefoy, Paul Claudel, Jean Marie Le Clezio, Alain Mabanckou, Lydie Dattas, Madame Guyon, Valère Novarina, Georges Pérec, Max Jacob, Guy Goffette, Geneviève Brisac, Raphael Confiant, Marguerite Duras, James Noel, Badr Châker as-Sayyâb, Etel Adnan, ou encore Shakespeare au théâtre de l'Odéon cette saison aux côtés de Raphaël Enthoven.
Sophie Bourel participe aussi à de nombreuses fictions et émissions pour France Culture Elle anime des ateliers auprès de classes de CM1/CM2 pour la ville de Paris. Pour L'Institut du Tout Monde et la région Ile de France, elle travaille depuis plusieurs années avec des lycéens et des classes de primo arrivants, au sein d'ateliers de lecture de poésie à voix haute qu'elle a mis en place et construits au fur et à mesure de ses expériences.
Elle met en scène un événementiel baptisé « Mots Écrits » : ateliers de lectures à voix haute pour amateurs (du collégien au retraité )suivis de mise en espace de lectures publiques en lien avec les archives de la première guerre mondiale qui sera présenté en 2017/2018 dans plusieurs villes de France dont Brest où Patricia Adam, Député du Finistère, lui octroie une subvention sur sa réserve parlementaire.
Elle travaille depuis le mois de septembre 2015 à la Maison d’arrêt de Réaux.
Elle joue très régulièrement à la maison de la poésie à Paris.
Réservations indispensables : 01 44 54 53 00 (du mardi au samedi de 15h à 18h) ou par internet (www.maisondelapoesieparis.com, accueil@maisondelapoesieparis.com).
Tarif : 10 euros/ 5 euros pour les abonnés
Indes ! ce fut ainsi, par votre nom cloué sur la folie, que commença la mer.
Avait-elle pris forme ou pris naissance, dites-le, jusqu’à ce jour
Quand les vieillards de ce côté que verdit le soleil, se levèrent
Et dirent, balbutiant : « Où va le souffle, sont les Indes ! »
Ils priaient. Et faisaient lance de leur dieu pour le planter sur la première grève.
Puis ils partirent.
Edouard Glissant, Les Indes
Ce spectacle qui avait remporté un franc succès en 2015, est repris cette année par Sophie Bourel accompagnée par Karim Touré à la Maison de la Poésie dans le cadre du "Mai de l'ITM" pour une représentation exceptionnelle le 10 mai, dans le prolongement de la « Journée des Mémoires / Les 10 ans de l’ITM » qui se sera déroulée le même jour, de 14h à 19h à la Cité internationale des Arts.
La voix des mémoires brisées
Publié en 1956, le recueil Les Indes constitue à n’en pas douter le socle essentiel de l’œuvre poétique de Glissant, alors jeune écrivain martiniquais qui sera couronné deux ans plus tard par le Prix Renaudot pour La Lézarde. Souvent comparé au Saint-John Perse de Vents pour son souffle épique, le poème dessine une manière de contre-pied tragique à l’épopée de la conquête : s’inspirant du Journal de Christophe Colomb, c’est ici le cauchemar de la traite qui fournit le motif de ces six chants douloureux par lesquels Glissant édifie le puissant mémorial du crime colonial.
En entrant dans l’intimité même de cette parole de passion et de sang, la comédienne Sophie Bourel parvient dans sa lecture intégrale de l’œuvre, à restituer avec une étonnante justesse tout l’élan d’un texte si dense. Son approche du poème dépasse l’écran d’une lecture distanciée : elle parvient à en incarner les ondoiements, en épouser la violence et à la faveur d’une attention fine au rythme du texte, elle nous en offre finalement tout le prix, celui d’une blessure transcendée.
« Il faut savoir dire merci à celui qui fait à notre langue l’inestimable don de cet usage royal » : on connaît l’exclamation enthousiaste d’Aragon à la lecture de ce chef-d’œuvre de Glissant.
Loïc Céry
Les Indes s’adresse à chacun d’entre nous, raconte l’origine d’un monde qui est nôtre et réveille les traces et les traumatismes enfouis, qui constituent le socle de notre relation au monde. Il y est question de notre mémoire collective et surtout du silence posé sur un passé douloureux.
Lorsqu’Édouard Glissant me reçut chez lui pour la première fois, parce que je lui avais demandé de m'entendre lire Les Indes, il a poussé les piles de livres et de papiers de sa table de travail pour m'inviter à m'y installer, il m'a dit "je vous écoute"- et j'ai plongé toute entière. Dans quoi ai-je plongé je ne saurais le dire précisément sans risquer de réduire son inventivité, son souffle, cette intelligence qui ondoie et se révèle. J'ai partagé la Beauté, c'était cela Les Indes : un grand feu de beauté qui purifiait notre histoire et me la restituait avec le devoir impérieux d'en faire quelque chose. Et dans ce voyage et cette restitution, Karim Touré a su m’accompagner de ses évocations musicales, qui soulignent le rythme du poème et en scandent la profération.
Sophie Bourel